Résiliation du marché public par l’assureur : la personne publique peut le contraindre à la poursuite du marché pendant la durée strictement nécessaire à la passation d’un nouveau marché

Par une ordonnance du 12 juillet 2023, le Conseil d’État précise l’articulation entre les dispositions de l’article L. 113-12 du code des assurances – prévoyant la possibilité de résilier unilatéralement un contrat à l’expiration d’un délai d’un an après sa conclusion – et les principes généraux applicables aux contrats administratifs.

Dans cette affaire, un marché public portant sur la police d’assurance « dommages aux biens » a été conclu, le 30 octobre 2019, entre le Grand port maritime de Marseille et le groupement conjoint composé de la société de courtage d’assurances Montmirail – Groupe Verspieren, mandataire, et de la compagnie d’assurances AFM, pour une durée initiale de trois ans à compter du 1er janvier 2020, susceptible de deux reconductions tacites d’un an. La compagnie d’assurances AFM a informé le Grand port maritime de Marseille de sa décision de résilier ce marché à compter du 1er janvier 2023 par lettres des 30 mars et 19 juillet 2022. Le Grand port maritime de Marseille s’est opposé à cette résiliation et a mis en demeure ses deux cocontractantes de poursuivre l’exécution du marché à compter du 1er janvier 2023. Le Grand port maritime de Marseille demande au Conseil d’État d’annuler l’ordonnance du juge des référés « mesures utiles » du tribunal administratif de Marseille, rendue le 16 novembre 2022, en tant qu’elle a rejeté sa demande tendant à enjoindre à la société Montmirail-Groupe Verspieren et à la compagnie d’assurances AFM de maintenir, a minima jusqu’au 31 décembre 2023, la police d’assurance « dommages aux biens » et les garanties contractuelles prévues par le marché public d’assurance.

L’application de dispositions du code des assurances aux marchés publics d’assurance n’est pas nouvelle (application de l’article L. 113-8 du code des assurances : CE, 6 décembre 2017, SITURV, n° 396751, aux Tables ; application des articles L. 112-2 à L. 112-8 et L. 113-12 du code des assurances : CE, 28 avril 2003, Société Assurances Verspieren, n° 233343, aux Tables).

Dans la présente affaire, il s’agit de l’application des dispositions de l’article L. 113-12 du code des assurances prévoyant la faculté, pour l’assureur, de résilier unilatéralement un contrat à l’expiration d’un délai d’un an après sa conclusion, avec un préavis d’au moins deux mois avant la date d’échéance du contrat. Ce dernier peut prévoir une durée supérieure lorsque l’assuré est une personne morale.

Afin de concilier les principes généraux applicables aux contrats administratifs avec le droit des assurances, le Conseil d’État estime que lorsque l’assureur entend faire application desdites dispositions « pour résilier unilatéralement le marché qui le lie à une personne publique assurée et que le contrat ne prévoit pas un préavis de résiliation suffisant pour passer un nouveau marché d’assurance, cette dernière peut, pour un motif d’intérêt général tiré notamment des exigences du service public dont la personne publique a la charge, s’y opposer et lui imposer de poursuivre l’exécution du contrat pendant la durée strictement nécessaire, au regard des dispositions législatives et réglementaires applicables, au déroulement de la procédure de passation d’un nouveau marché public d’assurance, sans que cette durée ne puisse en toute hypothèse excéder douze mois, y compris lorsque la procédure s’avère infructueuse ».

Le Conseil d’État fait ainsi droit à la demande du Grand port maritime de Marseille et ordonne la poursuite de l’exécution du marché jusqu’au 31 décembre 2023.

Décision commentée : CE, 12 juillet 2023, Grand port maritime de Marseille, n° 469319, aux Tables

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